Malgré les faibles profondeurs de son lit et les bancs de sable, la Loire a toujours constitué un axe de circulation important aussi bien pour les hommes que pour les marchandises, jusqu’à l’apparition du chemin de fer.
Des fortins ou des points d’observation ont répondu aux risques d’intrusions hostiles comme celles des vikings au IXe siècle et aux besoins de protéger la population. Des ports, des péages, des réglementations sont apparus au fur et à mesure du développement du trafic fluvial. L’ouverture des canaux de Briare et d’Orléans au XVIIe siècle ont ouvert le marché de Paris.
La navigation à la voile sur la Loire a en effet été possible grâce à l’utilisation de bateaux à fond plat et à des vents d’ouest dominants pour la remontée.
Avec leurs neuf cales de Loire et leurs anneaux, les nombreux noms de rue y faisant référence, les ancres de marine sculptées au fronton des petites maisons, les girouettes emblématiques au sommet des toits, le cierge votif et la statue de St Nicolas conservée à ND de la Prée, l’oratoire de St Jean, les Villages de Chênehutte, Trèves et Cunault témoignent de façon vivace de l’importance qu’y ont tenu les mariniers.
Les mariniers partageaient avec les perreyeurs (*) les petite maisons construites en tuffeau et ardoise au XVIIe et XVIIIe siècles, dont le mince cordon blanc et bleu, pris entre le coteau et le fleuve constitue la caractéristique si pittoresque des bourgs ligériens.
Outre le transport des matériaux traditionnels comme le bois, le charbon ou le fer et des marchandises comme le blé et le vin, les gabares qui faisaient halte à Chênehutte, à Trèves ou à Cunault étaient chargées des matériaux locaux essentiellement représentés par les blocs de tuffeau (pierre calcaire) et la chaux produites par les divers fours situés en bordure de Loire. Elles remontaient bien sûr le vin nantais et le vin saumurois, mais aussi le sel, les ardoises et le chanvre de la vallée de l’Authion.
Par retour, la navigation de Loire suscita une production locale de pommes et de prunes, qui une fois séchées, cuites ou tapées étaient destinées au ravitaillement des mariniers. De nombreux fours à pruneaux existent encore à l’entrée des caves.
La vie de marinier était difficile car le fleuve est capricieux et le chenal changeant implique un travail de balisage permanent. Le métier correspondait à un vrai «savoir» du fleuve. Car les manoeuvres de conduite des trains de gabares ou de franchissement des nombreux ponts (qui implique l’abaissement du mât) n’étaient pas choses faciles. De même à la descente qui se faisait sans voile, les bateaux devaient être guidés à l’aide de grandes perches ferrées.
Les accidents, les naufrages étaient assez fréquents. Les noyades aussi, car à ces époques rares sont ceux qui savent nager.
Les «voituriers d’eau», comme on appelle alors les mariniers doivent rechercher le fret auprès de commerçants et assument par la suite la responsabilité de la cargaison et des délais de livraison.
C’est aussi cette vie aventureuse et responsable, outre le vernis de connaissance acquis lors des fréquents voyages et au contact des populations de grandes villes, qui permet aux mariniers d’afficher une certaine supériorité par rapport aux paysans locaux, sédentaires et peu instruits. Il en va ainsi des mariniers des Tuffeaux (en bas) vis à vis des agriculteurs de Chênehutte (en haut).
La marine de Loire connût son apogée au XVIIIe siècle, mais au début du XIX é on comptait encore deux cents gabares à l’hivernage entre Gennes et Saumur.
Depuis quelques années, un nouvel intérêt pour la marine de Loire pousse des passionnés à restaurer ou reconstituer des bateaux de Loire et à se réincarner dans des figures de farouches mariniers à grand chapeau et blouse.Les fêtes régulièrement organisées sur ce thème au Thoureil, à Montjean ou à Orléans entretiennent le souvenir d’une Loire active.
Références;
Philippe Mantellier, Histoire de la communauté des marchands fréquentant la rivière de Loire et fleuves descendant en icelle, Imprimerie G. Jacob, 1864-1869
Jeanne et Camille Fraysse, Les mariniers de la Loire en Anjou, 1971
Abel Poitrineau, La Loire – Les peuples du fleuve, Le Coteau – Horvath, 1989
François Beaudouin, La marine de Loire et son chaland, Cahiers du Musée de la Batellerie, 1989
Thérésa de Chérisey, Le guide de l’Anjou, La Manufacture, 1990
Françoise de Person, Bateliers, contrebandiers du sel, XVIIe-XVIIIe siècle, Éditions Ouest-France, 1999
Jacques Poirier, Les Heures de gloire de la Marine de Loire, Corsaire éditions, 2003 (ISBN 978-2-91047-508-6)
Dominique Martel, Pêcheurs en Loire – Mémoire d’eau douce, Cheminements, 2004
Amélie Dubois-Richir, Les travailleurs de la Loire au XIXe siècle – Le fleuve et ses riverains, de Saumur à Bouchemaine, Petit Pavé, 2006 (ISBN 2-84712-116-1)
Sources
· Florent Godelaine, La Loire et ses affluents : bateliers, négoce et mode de voiture aux XVIIe et XVIIIe
siècles, novembre 2012 (document Wiki-Anjou)
· Paul Delsalle, La France industrielle aux XVIe, XVIIe, XVIIIe siècles, Ophrys, 1993
· Revue de l’Anjou et de Maine-et-Loire, Librairie de Cosnier et Lachèse, 1852, p. 139
· Comité départemental du tourisme, La batellerie traditionnelle de Loire, juin 2013
· Cap Vert, Montjeannaise, voir Cap Loire à Montjean-sur-Loire.
· Ouest-France, Marine de Loire. Mise à l’eau d’une gabare à La Ménitré, 5 avril 2012
· Office de tourisme du Saumurois, Balades en Loire – Rêves de Loire et d’ailleurs, septembre 2014